Auteur : Dr. Jean-Paul Rodrigue
L’accessibilité est un élément clé de la géographie des transports et de la géographie en général puisqu’elle est une expression directe de la mobilité soit en termes de personnes, de fret ou d’information.
La mobilité est un choix fait par les utilisateurs et est, par conséquent, un moyen d’évaluer les impacts des investissements en infrastructure et des politiques de transport connexes sur le développement régional. Les systèmes de transport bien développés et efficaces offrent des niveaux d’accessibilité élevés, tandis que les systèmes moins développés ont des niveaux d’accessibilité plus faibles. Ainsi, l’accessibilité est liée à un ensemble d’opportunités économiques et sociales, mais la congestion peut également avoir un impact négatif sur la mobilité.
L’accessibilité est la mesure de la capacité d’un lieu à être atteint à partir de, ou à être atteint par, différents lieux. Par conséquent, la capacité et la disposition des infrastructures de transport sont des éléments clés dans la détermination de l’accessibilité.
Tous les lieux ne sont pas égaux car certains sont plus accessibles que d’autres, ce qui implique des inégalités. Ainsi, l’accessibilité est un indicateur des inégalités spatiales. La notion d’accessibilité repose par conséquent sur deux concepts fondamentaux :
- Le premier est la localisation, où la relativité de l’espace est estimée par rapport aux infrastructures de transport puisqu’elles offrent les moyens de soutenir la mobilité. Chaque lieu possède un ensemble d’attributs référentiels, tels que sa population ou son niveau d’activité économique.
- Le second est la distance, qui découle de la séparation physique entre les lieux. La distance ne peut exister que lorsqu’il existe une possibilité de relier deux lieux par le transport. Elle exprime la friction de la distance, et l’emplacement avec le moins de friction par rapport aux autres est susceptible d’être le plus accessible. Communément, la friction de la distance est exprimée en unités telles que les kilomètres ou le temps, mais des variables telles que le coût ou l’énergie dépensée peuvent également être utilisées.
Il existe deux catégories spatiales applicables aux problèmes d’accessibilité, qui sont interdépendantes :
- Le premier type est connu sous le nom d’accessibilité topologique et est lié à la mesure de l’accessibilité dans un système de nœuds et de chemins (un réseau de transport). On suppose que l’accessibilité est un attribut mesurable significatif uniquement pour des éléments spécifiques d’un système de transport, comme les terminaux (aéroports, ports ou stations de métro).
- Le deuxième type est connu sous le nom d’accessibilité contiguë et concerne la mesure de l’accessibilité sur une surface. Dans ces conditions, l’accessibilité est une mesure cumulative des attributs de chaque emplacement sur une distance prédéfinie, l’espace étant considéré de manière contiguë. On parle également d’accessibilité isochrone.
Enfin, l’accessibilité est un bon indicateur de la structure spatiale sous-jacente puisqu’elle prend en considération l’emplacement ainsi que l’inégalité conférée par la distance aux autres emplacements.
Connectivité et accessibilité totale
La mesure d’accessibilité la plus basique implique la connectivité du réseau, où un réseau est représenté comme une matrice de connectivité (C1), qui exprime la connectivité de chaque nœud avec ses nœuds adjacents. Le nombre de colonnes et de lignes de cette matrice est égal au nombre de nœuds du réseau, et une valeur de 1 est donnée pour chaque cellule où il y a une paire connectée et une valeur de 0 pour chaque cellule où il y a une paire non connectée. La somme de cette matrice fournit une mesure très basique de l’accessibilité, également connue sous le nom de degré d’un nœud :
- C1 = degré d’un nœud.
- cij = connectivité entre le nœud i et le nœud j (soit 1 ou 0).
- n = nombre de nœuds.
La matrice de connectivité ne prend pas en compte tous les chemins indirects possibles entre les nœuds. Dans ces circonstances, deux nœuds pourraient avoir le même degré mais avoir des accessibilités différentes. Pour considérer cet attribut, la matrice d’accessibilité totale (T) est utilisée pour calculer le nombre total de chemins dans un réseau, y compris les chemins directs et indirects. Son calcul implique les étapes suivantes :
- D = le diamètre du réseau.
Ainsi, l’accessibilité totale serait une mesure d’accessibilité plus complète que la connectivité du réseau.
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Création d’une matrice de connectivité avec un tableau de liens -
Matrice de connectivité simple -
Matrice de connectivité plus complexe. Matrice
L’indice de Shimbel et le graphique valorisé
L’objectif principal de la mesure de l’accessibilité ne consiste pas nécessairement à mesurer le nombre total de chemins entre les lieux, mais plutôt quels sont les chemins les plus courts entre eux. Même s’il existe plusieurs chemins entre deux emplacements, le plus court est susceptible d’être sélectionné. Dans les réseaux encombrés, le chemin le plus court peut changer en fonction du niveau de trafic actuel sur chaque segment. Par conséquent, l’indice de Shimbel calcule le nombre minimum de chemins nécessaires pour relier un nœud à tous les nœuds d’un réseau défini. La matrice d’accessibilité de Shimbel, également connue sous le nom de D-Matrix, inclut chaque paire de nœuds possibles le chemin le plus court.
L’indice de Shimbel et sa D-Matrix ne tiennent pas compte du fait qu’un lien topologique entre deux nœuds peut impliquer des distances variables. Ainsi, il peut être élargi pour inclure la notion de distance, où une valeur est attribuée à chaque lien du réseau. La matrice des graphes valués, ou matrice L, représente une telle tentative. Elle présente une très forte similitude avec la matrice d’accessibilité de Shimbel. La seule différence réside dans le fait qu’au lieu de montrer le chemin minimal dans chaque cellule, elle fournit la distance minimale entre chaque nœud du réseau.
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Matrice de distance de Shimbel (D-Matrice) -
Matrice graphique évaluée (L-Matrice)
Accessibilité géographique et potentielle
À partir de la mesure d’accessibilité développée jusqu’ici, il est possible de dériver deux mesures simples et très pratiques, définies comme l’accessibilité géographique et l’accessibilité potentielle. L’accessibilité géographique considère que l’accessibilité d’un lieu est la somme de toutes les distances entre d’autres lieux divisée par le nombre de lieux. Plus sa valeur est faible, plus un emplacement est accessible.
- A(G) = matrice d’accessibilité géographique.
- dij = distance du plus court chemin entre l’emplacement i et j.
- n = nombre d’emplacements.
- L = matrice de graphe valué.
Cette mesure (A(G)) est une adaptation de l’indice de Shimbel et du graphe valué, où le lieu le plus accessible a la plus faible sommation de distances. Les lieux peuvent être des nœuds dans un réseau ou des cellules dans une matrice spatiale.
Bien que l’accessibilité géographique puisse être résolue à l’aide d’une feuille de calcul (ou manuellement pour des problèmes plus simples), les systèmes d’information géographique se sont révélés être un outil très utile et flexible pour mesurer l’accessibilité, notamment sur une surface simplifiée sous forme de matrice (représentation matricielle). Pour ce faire, on peut générer une grille de distance pour chaque lieu, puis additionner toutes les grilles pour former la grille de la somme totale des distances (Shimbel). La cellule ayant la valeur la plus faible est donc le lieu le plus accessible.
L’accessibilité potentielle est une mesure plus complexe que l’accessibilité géographique car elle inclut simultanément le concept de distance pondérée par les attributs d’un lieu. Tous les emplacements ne sont pas égaux, et donc certains sont plus importants que d’autres. L’accessibilité potentielle peut être mesurée comme suit :
- A(P) = matrice d’accessibilité potentielle.
- dij = distance entre le lieu i et le lieu j (dérivée de la matrice du graphe valorisé).
- Pj = attributs du lieu j, tels que sa population, sa surface commerciale, son espace de stationnement, etc.
- n = nombre de lieux.
La matrice d’accessibilité potentielle n’est pas transposable puisque les lieux n’ont pas les mêmes attributs, ce qui amène les notions sous-jacentes d’émissivité et d’attractivité :
- L’émissivité est la capacité à quitter un lieu, la somme des valeurs d’une ligne de la matrice A(P).
- L’attractivité est la capacité à atteindre un lieu, la somme des valeurs d’une colonne de la matrice A(P).
De même, un système d’information géographique peut être utilisé pour mesurer l’accessibilité potentielle, notamment sur une surface.
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Accessibilité géographique -
Accessibilité potentielle
Thèmes connexes
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- Transport et localisation
- Transport et espace
- Transport et organisation spatiale
- Systèmes d’information géographique pour le transport (SIG-…T)
- Interactions spatiales et modèle de gravité
Bibliographie
- BTS (2001) Numéro spécial sur les questions méthodologiques de l’accessibilité, Journal of Transportation and Statistics, Vol. 4, n° 2/3, Bureau of Transportation Statistics, Sept/Déc.
- Burns, L.D. (1979) Transportation, Temporal, and Spatial Components of Accessibility. Lexington, MA : Lexington Books.