Embarquant son public dans une course folle contre l’apocalypse, le court-métrage frénétique de Just Philippot, Acide (Acid), suit deux jeunes parents qui tentent désespérément de mettre leur fils à l’abri d’une tempête qui approche. Comme le suggère le titre, il ne s’agit pas d’un orage normal, mais d’une pluie d’acide qui se rapproche à chaque seconde. En 18 minutes impressionnantes, le scénariste/réalisateur Philippot contrôle de façon magistrale chaque respiration et chaque souffle choqué de son public tout au long de la durée frénétique du film. Si vous roulez des yeux à l’idée d’une autre histoire de « fin du monde », ne le faites pas ! Vous souhaiterez que celle-ci n’ait pas à se terminer.
« Je me souviens d’un méchant fondu par une cuve de produits chimiques dans RoboCop »
L’inspiration derrière Acide est venue de plusieurs directions, Philippot citant les cauchemars d’enfance, l’étape importante de devenir père et les incertitudes de l’avenir (probablement encore plus pertinentes aujourd’hui, que lorsque le film a été développé) comme motivation derrière son histoire.
Les influences cinématographiques sont également très présentes, puisque le réalisateur fait référence à Kilmov, Verhoeven et Cronenberg, alors que nous discutons de son court. « Je me souviens d’un méchant fondu par une cuve de produits chimiques dans RoboCop et de la scène de régurgitation d’acide dans The Fly », révèle-t-il. Si ces références semblent avoir une influence directe sur l’élément de pluie acide qui fait fondre la chair du court métrage, le réalisateur cite également Come and See de Kilmov comme une influence majeure, le « choc visuel » provoqué par ce film ayant façonné le sien.
Ayant pour objectif de créer un récit au sein du genre catastrophe qui immerge et confronte le public à un événement apocalyptique de manière agressive, plutôt que l’approche habituelle qui tend à aborder la violence de l’expérience de manière moins abrupte, Philippot voulait que son public soit poussé à ses limites physiques avec son court métrage. « J’ai essayé d’éviter la violence séduisante et l’horreur agréable », explique-t-il. Il ajoute qu’il voulait surprendre le public et le confronter à un véritable cauchemar.
Du point de vue de la production, et surtout pour un film du genre, Acide ne comporte étonnamment pas les tropes catastrophiques habituels. Le film tient néanmoins ses promesses, avec un impact psychologique beaucoup plus profond. Le scénario est extrêmement serré, Philippot ne dévoilant que ce qu’il veut, à travers les dialogues et les images, pour captiver le public.
« Je voulais pousser l' »horreur-fantaisie » à son paroxysme »
Le plan d’ouverture, et le cold open en général, sont une exposition extrêmement efficace, révélant ce qui se passe mais posant aussi le ton du film. Rares sont les films de genre qui réussissent un look minimaliste, tout en déclenchant une réaction aussi forte chez le spectateur, tant sur le plan émotionnel que physique. « Je voulais pousser l' »horreur-fantaisie » à son paroxysme », affirme Philippot en décrivant son expérience du nuage d’acide.
Vu l’atmosphère générale du film, le ratio 4:3 (que Philippot décrit poétiquement comme le « format anxieux ») piège instantanément le public. Son effet claustrophobe renforce la narration et aide instantanément le public à saisir la panique et le désespoir des personnages – ce qui, à son tour, déclenche une réaction physique, nous déstabilisant dans nos sièges. L’ajout de cette couche émotionnelle, celle de parents protégeant leur enfant à tout prix, approfondit vraiment l’engagement du public dans le film, nous donnant l’impression d’être presque là, luttant pour la survie à leurs côtés.
Le récit de course contre la montre/mort est bien établi dans le monde du cinéma, mais Philippot bouscule la tradition et fait un choix surprenant au montage. Une course appelle généralement un rythme rapide, mais ici il est plutôt étiré. La durée de 18 minutes place le film du côté de la longueur, pourtant j’ai été surpris par la façon dont Philippot a façonné son histoire et à quel point cela sert le récit.
À aucun moment le film ne traîne et ne devient trop lourd à gérer. Le rythme donne une sensation plus réaliste aux scènes qui se déroulent, permettant une portée émotionnelle plus forte. Philippot a parfaitement dosé les hauts et les bas de son histoire, permettant à son public de les apprécier et de les vivre, avant de reprendre son souffle lorsque la situation s’aggrave à nouveau.
Acide a connu un sacré parcours en festival. Présenté en première à Clermont-Ferrand, il a été présenté en première américaine au Palm Springs ShortFest en 2018, avant d’être sélectionné à l’édition 2019 de Sundance. Il a également été présélectionné pour le prix César en France. Le premier long métrage de Philippot, The Swarm, devait être présenté à Cannes en 2020, avec sa sélection à la Semaine de la critique.