Introduction
Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’obésité est une maladie chronique, caractérisée par une augmentation de la masse grasse corporelle, associée à un risque accru pour la santé.
Peu de maladies chroniques ont progressé de manière aussi alarmante dans la plupart des pays au cours des dernières décennies que l’obésité, qui préoccupe les autorités sanitaires en raison de ses conséquences physiques, psychologiques et sociales désastreuses.
Les données de l’OMS indiquent que depuis 1980, l’obésité a plus que doublé dans le monde. En 2008, 1,5 milliard d’adultes étaient en surpoids. Au sein de ce groupe, plus de 200 millions d’hommes et près de 300 millions de femmes étaient obèses. C’est pourquoi l’OMS a déclaré que l’obésité et le surpoids étaient une épidémie mondiale. Elle représente également une charge économique importante pour les budgets de santé en raison des coûts directs et indirects élevés qui lui sont associés. On estime que le surpoids et l’obésité sont tous deux responsables de 44% de la charge du diabète, de 23% de la charge des cardiopathies ischémiques et de 7 à 41% de la charge de certains cancers.
Le surpoids et l’obésité sont un facteur de risque majeur de décès, avec une mortalité d’environ 3 millions d’adultes par an. La classification actuelle de l’obésité proposée par l’OMS est basée sur l’indice de masse corporelle (IMC), qui correspond au rapport entre le poids exprimé en kilogrammes et le carré de la taille, exprimée en mètres. Ainsi, les personnes dont le calcul de l’IMC est égal ou supérieur à 30kg/m2 sont considérées comme obèses (tableau 1).
La classification de l’obésité
Classification. | IMC (kg/m2) | Risque associé à la santé |
---|---|---|
Normo Poids | 18.5 – 24.9 | Moyenne |
Excédent de poids | ≥ 25 | |
Excédent de poids ou préobésité | 25 – 29.9 | Augmentation |
Obésité de grade I ou modérée | 30 – 34.9 | Augmentation modérée |
Obésité de grade II ou sévère | 35 – 39.9 | Sévère augmentation |
Obésité de grade III ou morbide | ≥ 40 | Très grave augmentation |
Selon les rapports de l’OMS, en 2010, environ 43 millions d’enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids. Alors que le surpoids et l’obésité étaient autrefois considérés comme un problème des pays à revenu élevé, ces deux pathologies sont désormais également en hausse dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier dans les zones urbaines. On compte environ 35 millions d’enfants en surpoids dans les pays en développement, contre 8 millions dans les pays développés.
A l’échelle mondiale, le surpoids et l’obésité sont associés à davantage de décès que l’insuffisance pondérale. Aujourd’hui, 65% de la population mondiale vit dans des pays où le surpoids et l’obésité font plus de victimes que l’insuffisance pondérale (ces pays comprennent tous les pays à revenu élevé et la plupart des pays à revenu intermédiaire).
Causes de l’obésité
La cause fondamentale du surpoids et de l’obésité est un déséquilibre énergétique entre les calories consommées et les calories dépensées. Il existe une tendance universelle à consommer davantage d’aliments riches en graisses, en sel et en sucres, mais pauvres en vitamines, minéraux et autres micronutriments. L’autre aspect pertinent est la diminution de l’activité physique en raison de la sédentarité due à l’automatisation accrue des activités professionnelles, aux méthodes modernes de transport et à l’augmentation de la vie urbaine.
Dans son étiopathogénie, elle est considérée comme une maladie multifactorielle, les facteurs génétiques, environnementaux, métaboliques et endocrinologiques étant reconnus. Seuls 2 à 3 % des personnes obèses ont pour cause une pathologie endocrinologique, parmi lesquelles se distinguent l’hypothyroïdie, le syndrome de Cushing, l’hypogonadisme et les lésions hypothalamiques associées à l’hyperphagie. Cependant, il a été décrit que l’accumulation excessive de graisse peut secondairement produire des altérations dans la régulation, la métabolisation et la sécrétion de différentes hormones.
L’obésité peut donc être considérée comme une maladie chronique, d’origine multifactorielle et présentant un large éventail de phénotypes.
Les études épidémiologiques ont identifié un certain nombre de facteurs associés au surpoids et à l’obésité dans la population, que l’on peut voir dans le tableau 2.
Facteurs épidémiologiques associés à l’excès de poids
Démographique | Socio-culturel. | Biologique | Comportemental | Activité physique | |
---|---|---|---|---|---|
>Age | >. Parité | Sédentarisme | |||
Sexe féminin | Tabac | ||||
Sexe féminin | |||||
Tabac. | |||||
Race | Consommation d’alcool |
En surpoids ou en pré-poids.obésité
Cette catégorie comprend toutes les personnes dont l’IMC est compris entre 25 et 29.9kg/m2. Ce sont des personnes qui risquent de développer une obésité. On considère qu’ils sont en phase statique lorsqu’ils maintiennent un poids stable avec un équilibre énergétique neutre. À l’inverse, on considère qu’ils sont dans une phase dynamique de prise de poids lorsque le poids corporel augmente en raison d’un bilan énergétique positif, c’est-à-dire que l’apport calorique est supérieur à la dépense énergétique.
De nombreux patients obèses présentent fréquemment des fluctuations de poids à la suite de divers traitements amaigrissants, provoquant une perte et une reprise de poids fréquentes (phénomène de rebond), connu sous le nom de syndrome de Yo-Yo.
Une fois que les patients prennent du poids, il a été observé qu’il existe une tendance à maintenir et à défendre ce nouveau poids, à travers divers mécanismes biologiques et psychologiques. Il est postulé qu’aux stades initiaux, une série de facteurs – tant comportementaux qu’environnementaux – seraient responsables du développement de l’obésité chez les sujets présentant une prédisposition génétique, chez lesquels se développent des modifications du métabolisme du tissu adipeux, qui tendent à perpétuer la condition d’obésité et à favoriser le développement de nombreuses comorbidités associées à l’obésité.
On considère qu’aux premiers stades de l’obésité, la présence de déséquilibres minimes dans l’équilibre énergétique peut conduire à une accumulation progressive et persistante de graisse dans la composition corporelle. Ces déséquilibres sont couramment observés dans un certain nombre de situations de la vie quotidienne où l’activité physique est diminuée, comme l’arrêt d’un sport ou le passage à un mode de vie plus sédentaire qu’auparavant.
Conséquences de l’obésité
L’obésité est considérée comme un facteur de risque majeur de maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète sucré de type 2, les troubles musculo-squelettiques et certains cancers (endomètre, sein et côlon). Le risque de ces MNT augmente avec l’augmentation de l’obésité.
En outre, il a été estimé que les conséquences – tant psychologiques que sociales – nuisent grandement à la qualité de vie des patients obèses.
Les enfants souffrant d’obésité ont une probabilité accrue d’obésité, de décès prématuré et de handicap à l’âge adulte. En plus de ces risques futurs accrus, les enfants obèses présentent une détresse respiratoire plus importante, un risque accru de fractures et d’hypertension, ainsi que des marqueurs précoces de maladies cardiovasculaires, une résistance à l’insuline, un diabète sucré de type 2 et des effets psychologiques délétères.
Classification de l’obésité
La classification internationale de l’obésité pour un adulte est celle proposée par l’OMS en fonction de l’IMC (tableau 1).
Toutefois, selon la définition de l’obésité, les personnes obèses sont celles qui ont un excès de graisse corporelle.
On considère qu’un homme adulte de poids normal a une teneur en graisse comprise entre 15 et 20% du poids corporel total, et les femmes entre 25 et 30% du poids corporel total.
Deurenberg et al. ont établi une équation pour estimer le pourcentage de graisse totale chez les adultes en fonction de l’IMC, de l’âge et du sexe (tableau 3).
Équation de Deurenberg pour l’estimation de la graisse corporelle
% de graisse corporelle = 1.2 (IMC) + 0,23 (âge) – 10,8 (sexe) – 5,4
Où, sexe = 1 pour les hommes, et sexe = 0 pour les femmes
On constate que pour une taille et un poids donnés, le pourcentage de graisse corporelle est environ 10% plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Cela suggère que les femmes ont une meilleure adaptation à la graisse corporelle que les hommes, car une grande partie de la graisse est distribuée dans les compartiments sous-cutanés et périphériques (seins, fesses, cuisses), alors que chez les hommes, l’excès de graisse a tendance à se déposer dans l’abdomen, tant la graisse sous-cutanée que la graisse intra-abdominale.
D’autre part, il a été établi qu’avec l’âge, le taux de graisse corporelle augmente, malgré le maintien d’un poids stable.
Cependant, pour classer un sujet comme obèse en pratique, on utilise la mesure du poids corporel ou le calcul d’indices basés sur le poids et la taille (IMC), comme établi dans le Consensus international. Un IMC égal ou supérieur à 30kg/m2 est l’indicateur clinique universellement utilisé pour diagnostiquer l’obésité chez les deux sexes (tableau 1).
Les avantages de l’utilisation de l’IMC reposent sur le fait qu’il existe une bonne corrélation de population (0,7 – 0,8) avec le taux de graisse corporelle, et parce qu’une corrélation positive a été démontrée avec le risque relatif de mortalité (globale et cardiovasculaire), indépendamment du sexe. C’est cette corrélation qui a déterminé les seuils pour le diagnostic de l’obésité.
Cependant, différents seuils d’IMC ont été proposés en fonction du risque particulier que peuvent présenter différentes populations. Ainsi, chez les sujets d’origine asiatique, un seuil d’IMC de 25kg/m2 a été proposé pour diagnostiquer l’obésité, car un groupe important de sujets de cette origine ethnique développe un diabète sucré de type 2 et des maladies cardiovasculaires, avec des chiffres d’IMC inférieurs à ceux observés dans les populations occidentales.
Plusieurs limites à l’utilisation de l’IMC comme indicateur de l’obésité ont été soulevées. Parmi celles-ci, citons le fait qu’au niveau individuel, l’IMC n’est pas un bon indicateur de la composition corporelle, car il ne fait pas la distinction entre la contribution de la masse maigre et de la masse grasse au poids. D’autre part, l’IMC ne mesure pas les variations de la masse grasse corporelle en fonction de l’âge, de l’entraînement physique et dans les groupes ethniques dont les proportions corporelles diffèrent pour la longueur des membres et la taille assise.
Chez les enfants, l’IMC varie de manière significative au fil des années, avec une augmentation substantielle au cours de la première année de vie. Elle diminue ensuite jusqu’à l’âge de 5 à 6 ans environ. Ce phénomène est suivi d’une nouvelle augmentation de l’IMC, appelée « rebond adipocytaire ». Chez les enfants de plus de 6 ans, l’obésité est définie sur la base des courbes de croissance en fonction du sexe, de l’IMC et de l’âge. La classification de l’obésité dans ce groupe d’âge est basée sur des tableaux qui incluent les percentiles de l’IMC en fonction de l’âge et du sexe, ce qui nécessite l’utilisation de tableaux générés localement, pour lesquels au Chili des normes techniques ministérielles ont été établies qui incluent ces tableaux.
Mesure de la graisse corporelle
La mesure précise de la graisse corporelle est une procédure difficile et coûteuse à réaliser en pratique clinique. Différentes méthodologies ont été utilisées pour mesurer la graisse corporelle. Parmi les méthodes utilisées, on trouve la mesure des plis sous-cutanés en différents points (bicipital, tricipital, subscapulaire et suprascapulaire), dont la somme est considérée comme un indicateur de la graisse sous-cutanée. Cependant, c’est une méthode qui présente une grande variabilité inter-observateur et qui est difficile à réaliser chez les patients obèses ayant de très grands plis cutanés.
La plus utilisée dans la pratique clinique actuelle est la mesure de l’impédance bioélectrique, connue sous le nom de bioempédancemétrie, qui mesure l’impédance (ou la résistance) du corps au passage d’un courant alternatif de faible intensité, permettant ainsi de déterminer la teneur en eau du corps. En supposant une hydratation constante des tissus, la masse sans graisse et la masse de graisse corporelle peuvent être calculées à l’aide d’équations. C’est une méthode facile à réaliser, avec un haut degré de reproductibilité, mais qui n’a qu’un degré modéré de précision.
L’absorptiométrie double à rayons X (DEXA) est une méthode qui permet de mesurer 3 compartiments (masse grasse, masse maigre et masse osseuse). Elle présente l’avantage de fournir des informations non seulement sur la masse grasse totale, mais aussi sur la masse grasse régionale. C’est un procédé à faible rayonnement, mais il est coûteux et n’accepte pas les sujets très obèses (plus de 150 kg), il est donc principalement utilisé dans la recherche clinique. Un certain nombre d’autres méthodes sont disponibles pour un usage presque exclusif en recherche, comme l’hydrodensitométrie, le BodPod, les méthodes de dilution et la mesure 40K, entre autres.
Obésité abdominale
Dès les années 1940, le médecin français Jean Vague a proposé que la distribution anatomique de la graisse corporelle déterminait de manière différentielle le risque pour la santé associé à l’obésité.
Il a été établi que l’accumulation préférentielle de graisse dans la zone thoraco-abdominale du corps est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires et métaboliques. C’est pourquoi un certain nombre de mesures et d’indices ont depuis été proposés pour déterminer la répartition de la graisse corporelle. Parmi les plus utilisées, on trouve le rapport taille/hanche et la mesure du tour de taille seul, dont on dit qu’elle permet d’estimer la graisse intra-abdominale avec autant de précision que le rapport taille/hanche. Par conséquent, la mesure du tour de taille est désormais considérée comme un bon prédicteur clinique du risque cardiovasculaire associé à l’obésité abdominale.
Le tour de taille doit être mesuré à l’aide d’un brassard non extensible et doit être mesuré à la fin d’une expiration douce, en position debout, au point médian entre le rebord costal inférieur et la crête iliaque, au niveau de la ligne axillaire moyenne, parallèlement au sol. La circonférence de la hanche est mesurée comme la plus grande circonférence obtenue au niveau trochantérien, en position debout. Pour les deux points anatomiques, il est recommandé de prendre au moins 2 mesures et d’en faire la moyenne.
De nombreuses études prospectives ont démontré une association entre une augmentation du rapport taille/hanche et un risque accru de maladie cardiovasculaire, indépendamment de l’IMC. Aujourd’hui, la mesure du tour de taille seule est préférée dans la pratique clinique, car la mesure de la hanche est plus difficile. De plus, il n’existe pas de seuils validés pour cet indicateur.
Selon les recommandations des lignes directrices cliniques sur l’obésité des National Institutes of Health (NIH) américains, les seuils de l’IMC sont considérés comme les facteurs de risque les plus importants pour les maladies cardiovasculaires. (NIH), les seuils de tour de taille de 88 cm pour les femmes et de 102 cm pour les hommes sont considérés comme des valeurs incluses dans la définition du syndrome métabolique selon les lignes directrices proposées par le groupe d’experts sur le cholestérol dans le troisième groupe de traitement des adultes (ATP III). Les seuils de tour de taille suivants ont été établis comme étant le niveau d’alerte et le niveau à partir duquel une action thérapeutique doit être entreprise (tableau 4).
Valeurs de la circonférence abdominale selon le nih
Zone d’alerte | Niveau d’action | |
---|---|---|
Homme | ≥ 94cm. | ≥102cm. |
Femmes | ≥ 80cm. | ≥ 88cm. |
En 2005, la Fédération internationale du diabète (FID) a fait une proposition différente pour la définition de l’obésité abdominale, en réduisant les seuils à 94cm. pour les hommes et 80cm. pour les femmes, dans une population d’origine européenne. Cette proposition prévoyait différents seuils pour les différentes ethnies. Cependant, il est recommandé que les seuils de tour de taille associés à un risque accru soient établis localement.
Dans l’enquête nationale sur la santé 2009 – 2010, le concept d’obésité abdominale est utilisé pour les personnes qui dépassent la limite supérieure du tour de taille central. Dans cette enquête, on a constaté que la population chilienne avait des valeurs moyennes de tour de taille de 92,5 cm chez les hommes et de 88,2 cm chez les femmes, en utilisant le point de mesure décrit ci-dessus comme tour de taille central.
Un autre point de mesure de la circonférence abdominale, au-dessus de la hanche, a également été utilisé dans cette enquête, ce qui peut être une mesure plus simple à réaliser et représente une valeur cliniquement utile. En effet, la littérature suggère que cet indicateur est aussi prédictif du risque cardiovasculaire que le tour de taille central. Avec ce dernier point de mesure, la valeur moyenne du tour de taille de la population chilienne est de 95,1 cm pour les hommes et de 95,9 cm pour les femmes.
Avec les mesures du tour de taille prises au-dessus de la hanche, et en tenant compte des points de coupure de 102 cm pour les hommes et de 88 cm pour les femmes, on a constaté qu’au Chili l’obésité abdominale est présente chez 18,7 % des hommes et 46,7 % des femmes. En tenant compte des seuils d’obésité abdominale proposés par la FID, l’obésité abdominale au Chili est présente chez 45,1% des hommes et 71,5% des femmes.
Conclusions
La croissance alarmante de la prévalence de l’obésité dans notre société indique que nous devons être très attentifs au diagnostic précoce de cette pathologie, qui a un impact élevé sur la santé des personnes et les coûts qui lui sont associés. L’utilisation d’indicateurs tels que l’IMC et la mesure du tour de taille représentent des stratégies de détection clinique qui nous permettent de classer de manière adéquate la gravité de la maladie et le risque qui lui est associé, afin d’établir des mesures de prévention ou de gestion de l’obésité et des maladies qui lui sont associées, en particulier dans les populations génétiquement sensibles.