Patients
Un total de 110 patients présentant des del(7q) isolés dans la moelle osseuse ont été identifiés pendant l’intervalle de l’étude ; Parmi eux, 43 patients avaient déjà été traités par des thérapies cytotoxiques pour des tumeurs malignes antérieures. Quatre patients ont été exclus en raison d’un diagnostic non concluant et d’une courte période de suivi. L’étude a porté sur 39 patients, 20 hommes et 19 femmes, dont l’âge médian était de 62 ans (fourchette : 35-81 ans). Les tumeurs malignes primaires pour lesquelles les patients avaient été traités comprenaient des tumeurs solides (n=9), des néoplasmes lymphoïdes (n=29), une leucémie myéloïde aiguë (en rémission, n=3), et trois patients (cas 2, 9 et 12) avaient deux tumeurs malignes (tableau 1). Les traitements antérieurs comprenaient la chimiothérapie seule (n=25), la radiothérapie seule (n=1) et la chimiothérapie plus la radiothérapie (n=13). Dix patients ont également reçu une greffe de cellules souches à la suite de thérapies cytotoxiques (tableau 1) (les informations thérapeutiques détaillées figurent dans le matériel supplémentaire).
Découvertes de la moelle osseuse et du sang périphérique
Au moment de la détection du del(7q), on a constaté que la moelle osseuse était impliquée par la malignité primaire chez six patients ; trois patients (cas 12, 20 et 39) avaient une implication substantielle (40-90%) de la moelle osseuse par une leucémie lymphocytaire chronique, un myélome plasmocytaire ou une leucémie prolymphocytaire à cellules T, respectivement, et les trois autres patients (cas 2, 7 et 10) avaient une implication minime (5-10%) de la moelle osseuse par un lymphome à cellules B de bas grade, un cancer de la thyroïde ou un lymphome folliculaire, respectivement (tableau 1).
L’évaluation morphologique a été réalisée sans connaissance des résultats cytogénétiques. Douze patients (cas n° 1 à 12 dans le tableau 1) ont présenté une augmentation des blastes dans la moelle osseuse et/ou une dyspoïèse marquée, répondant aux critères de l’OMS pour les néoplasmes myéloïdes liés au traitement, notamment les syndromes myélodysplasiques liés au traitement (n=10, 4 avec des blastes de 7 à 12 %), la leucémie myéloïde aiguë liée au traitement (n=1, cas n° 9 blastes 30 %) et la leucémie myélomonocytaire chronique liée au traitement (n=1, cas n° 5, blastes 10 %). Parmi les 27 autres patients, le nombre de blastes n’a pas augmenté et les critères de néoplasmes myéloïdes liés au traitement n’étaient pas remplis dans l’échantillon de moelle osseuse diagnostique au moment de l’identification du del(7q). Ce groupe comprenait 10 patients (cas 13-15, 19-25) présentant une légère dysplasie, 16 patients (cas 16-18, 26-38) qui ne présentaient pas de dysplasie et 1 patient chez qui l’évaluation morphologique était difficile en raison d’une importante implication du lymphome (cas 39) (figure 1).
Au moment de la détection du del(7q), les 12 patients atteints de néoplasmes myéloïdes liés au traitement définis par l’OMS présentaient une numération globulaire complète anormale compatible avec le diagnostic de t-MN. Parmi les 10 patients présentant une dyspoïèse légère, 7 (patients 15, 19-24) présentaient un degré variable de cytopénie et 3 (patients 13, 14, 25) avaient une numération globulaire complète normale. Parmi les 16 patients qui ne présentaient aucun signe de dysplasie, 6 (cas 16-18, 26-28) présentaient une cytopénie légère et les 10 autres patients (cas 29-38) avaient une numération globulaire complète normale (Figure 1). Le patient 39 présentait une leucocytose marquée dans le cadre d’une T-PLL active.
Analyse cytogénétique conventionnelle et FISH
Les informations cytogénétiques de base avant le début du traitement cytotoxique étaient disponibles chez 19 patients, 9 avaient un caryotype diploïde normal et 10 présentaient diverses anomalies chromosomiques associées à leur maladie primaire respective, notamment inv(16)(p13.1;q22) (cas 23 et 28), t(9;22)(q34;q11.2) (cas 34), t(1;19)(q23;p13.3) (cas 31), t(11;14)(q13;q32) (cas 11 et 24), +12 (cas 17), t(14;18)(q32;q21.3) (cas 22) et un caryotype complexe dans les cas 18 et 32. Aucun des patients ne présentait de del(7q) avant le début des thérapies cytotoxiques. L’intervalle médian entre le début du traitement cytotoxique et la détection du del(7q) était de 48 mois (intervalle, 4-190 mois) (Tableau 1).
Le pourcentage médian de métaphases avec del(7q) était de 20% (intervalle, 10-100%). Le del(7q) s’est présenté comme un grand clone (≥40% des métaphases) chez 15 patients et comme un petit clone (<40% des métaphases) chez 24 patients. Les 15 patients (cas 1-14, 16) présentant un grand clone ont tous reçu un diagnostic de néoplasmes myéloïdes liés au traitement, soit au moment de la détection du del(7q) (n=12), soit lors de l’examen de suivi de la moelle osseuse (n=3). Parmi les 24 patients avec un petit clone del(7q) identifié, seuls 3 patients (cas 15, 17, 18) ont finalement reçu un diagnostic de néoplasmes myéloïdes liés au traitement pendant la période de suivi.
Les délétions dans 7q comprenaient des délétions terminales (n=11) et interstitielles (n=28). Les points de rupture chez les patients présentant des délétions terminales se situaient en 7q22 (n=9), 7q11.2 (n=1) et 7q32 (n=1). Pour les délétions interstitielles, les points de rupture communs se situaient en 7q22 au site centromérique ou en 7q32, 7q34 et 7q36 au site télomérique. Parmi les trois régions supprimées communes sur 7q, la région supprimée commune 1 (7q22), la région supprimée commune 2 (7q34) et la région supprimée commune 3 (7q35-36), 18 patients ont eu les trois régions supprimées communes, 15 patients n’ont pas impliqué la région supprimée commune 3, 5 patients (cas 13-15, 23, 27) n’ont pas impliqué les régions supprimées communes 2 et 3 ; et 1 patient (cas 39) n’a pas impliqué la région supprimée commune 1 (tableau 1).
Une analyse FISH utilisant les sondes D7S522/CEP7 a été réalisée chez 21 patients. Un patient (cas 15) a présenté un résultat négatif (car la délétion ne concernait pas le locus D7S522) et 20 patients ont présenté une délétion D7S522 (7q31) impliquant 5 à 97 % des interphases (tableau 1). Dans l’ensemble, le pourcentage d’interphases présentant une délétion D7S522 (7q31) par FISH interphasique était légèrement inférieur mais proportionnellement corrélé au pourcentage de métaphases avec del(7q) détecté par caryotypage conventionnel (r=0,946).
Une analyse combinée morphologique-FISH a été réalisée dans deux cas. Le cas 9 (CLL/SLL et MCL primaires, suivis d’une leucémie myéloïde aiguë liée à un traitement) présentait un del(7q) dans les myéloblastes, les érythroblastes et les granulocytes en maturation, mais pas dans les lymphocytes (figures 2a et b). Le cas 29 (moelle osseuse négative) a montré un del(7q) dans 26% des cellules hématopoïétiques (érythroblastes et cellules myéloïdes en maturation), mais pas dans les lymphocytes (Figures 2c et d).
Suivi et résultats
Le suivi médian après la détection du del(7q) était de 21 mois (intervalle, 1-135 mois). Vingt-sept patients ont eu au moins un caryotype de suivi (médiane 2, intervalle 1-10) après l’identification initiale du del(7q). Le del(7q) a été détecté de manière persistante chez 15 patients (dont 13 ont finalement reçu un diagnostic de néoplasme myéloïde lié au traitement) et est devenu indétectable chez 12 patients (dont 11 n’ont pas reçu de diagnostic de néoplasme myéloïde lié au traitement). Deux patients (cas 15 et 17) ont montré une évolution clonale avec des anomalies chromosomiques supplémentaires après 8 et 22 mois respectivement, et 2 patients (cas 18 et 36) avaient de nouveaux clones non apparentés qui ont émergé après la disparition du del(7q), plus précisément le cas 18 a montré 45,XY,der(6;7)(p10;q10)/46,XY,add(11)(p15)/46,XY, et le cas 36 a montré 46,XY,del(11)(q22q23)/46,XY.
Le patient 19 a présenté une anémie persistante et une thrombopénie qui s’est aggravée au cours du suivi, un diagnostic de syndrome myélodysplasique a été fortement suspecté bien qu’aucune biopsie de moelle osseuse de suivi n’ait été réalisée, et il est décédé 4 mois après la détection initiale du del(7q). Deux patients (cas n° 20 et 21) présentaient des cytopénies persistantes et une dysplasie légère ; un syndrome myélodysplasique de bas grade n’a pas pu être exclu, bien que le del(7q) ait disparu lors des analyses cytogénétiques de suivi à 10 mois et 4 mois, respectivement. Deux patients (cas n° 22 et 23) ont reçu une greffe de cellules souches allogéniques (pour la tumeur maligne primaire) à 1 et 4 mois respectivement, après la détection du del(7q), et aucun diagnostic définitif n’a été posé. Seize patients (cas 24-39), tous avec un petit clone del(7q), n’ont présenté aucun signe de néoplasmes myéloïdes liés au traitement (pas de cytopénie, de dysplasie ou d’augmentation des blastes) à la fin de la période de suivi (Figure 1). Le suivi médian était de 38 mois (de 1 à 117 mois) pour les patients sans diagnostic de néoplasmes myéloïdes liés au traitement.
Parmi les 18 patients ayant reçu un diagnostic ultime de néoplasmes myéloïdes liés au traitement, 7 patients présentant un syndrome myélodysplasique lié au traitement (cas 1-3, 6, 11, 14 et 16) ont évolué vers une leucémie myéloïde aiguë après une médiane de 10 mois (intervalle, 5-16 mois). Neuf patients (cas 1, 2, 4, 5, 8, 9, 11, 16 et 18) ont été traités par des agents hypométhylants ; cinq patients ont été traités par chimiothérapie pour une leucémie myéloïde aiguë (cas 1, 2, 3, 14 et 16) ; et six patients (cas 1, 3, 9, 11, 14 et 18) ont également subi une greffe de cellules souches allogéniques. Sept patients (cas 6, 7, 10, 12, 13, 15 et 17) ont reçu uniquement un traitement de soutien (voir matériel supplémentaire). Au moment du dernier suivi, 17/18 patients atteints de néoplasmes myéloïdes liés au traitement étaient décédés avec une survie médiane de 12 mois après le diagnostic des néoplasmes myéloïdes liés au traitement, et seul un patient (cas 18) ayant reçu un traitement par agent hypométhylant suivi d’une greffe de cellules souches était en vie et en rémission complète.
Pour les 21 patients qui n’ont pas été diagnostiqués avec des néoplasmes myéloïdes liés au traitement, 4 patients (cas 22, 23, 37 et 38) ont reçu une greffe de cellules souches allogéniques pour le cancer primaire et les 17 autres patients n’ont reçu aucun traitement supplémentaire, indépendamment de la détection du del(7q). Sept patients (cas 25, 26, 29, 30, 32-34) n’avaient aucune indication de néoplasme myéloïde et aucune évaluation de la moelle osseuse de suivi n’a été effectuée ; huit patients (cas 20, 21, 24, 27, 28, 31, 35, 36) avaient un del(7q) indétectable dans la moelle osseuse de suivi et aucune indication de néoplasme myéloïde secondaire ; le patient 19 a été suspecté d’avoir un syndrome myélodysplasique lié au traitement et est décédé 4 mois plus tard, mais aucun suivi de la moelle osseuse n’a été effectué ; le patient 39 avait un del(7q) détecté de façon intermittente dans 5 à 10 % des métaphases, et aucune indication d’un néoplasme myéloïde. À la fin du suivi, 6 patients sont décédés de leur cancer primaire ou de complications, 13 étaient en vie sans preuve de cancer primaire ou de néoplasmes myéloïdes liés au traitement, 1 était en vie avec un cancer primaire et 1 était perdu de vue (tableau 1).