Désorganisation de la barrière anatomique
La peau et les muqueuses intactes sont vitales pour la protection de l’individu contre les infections bactériennes. Dans les phases de pré-greffe et de péri-greffe qui durent généralement environ 30 jours, la rupture de la barrière anatomique et la neutropénie sont les facteurs les plus importants conduisant à la susceptibilité aux infections. La peau et les surfaces muqueuses du tube digestif constituent les principales barrières contre l’invasion microbienne. Ces deux surfaces sont colonisées par une variété de micro-organismes.1 Lorsque les surfaces sont intactes, elles sont capables d’empêcher la colonisation par des organismes potentiellement plus pathogènes présents dans l’environnement immédiat, en particulier si l’équilibre écologique avec la flore indigène est maintenu. La peau, par exemple, est généralement un environnement hydrophobe à forte teneur en sel, où seuls certains organismes tels que les staphylocoques, les corynébactéries et les levures lipophiles peuvent prospérer et constituer la flore cutanée normale. Les antibiotiques sécrétés dans la sueur peuvent perturber l’équilibre de la flore commensale et donc rendre la surface plus vulnérable à la colonisation par des bacilles gram-négatifs exogènes. De plus, les antibiotiques peuvent exercer une pression sélective, provoquant l’émergence d’organismes résistants.2-4 L’irradiation et la chimiothérapie peuvent provoquer des changements radicaux sur une peau saine, entraînant une perte de poils, une sécheresse et une perte de la production de sueur. La barrière cutanée normale peut être perturbée par les piqûres d’aiguilles et les cathéters intravasculaires, ce qui permet aux organismes d’accéder à la circulation sanguine.
Bien que les dispositifs intravasculaires soient désormais considérés comme essentiels pour la prise en charge des patients transplantés, ils sont associés à une augmentation des cas de bactériémies à staphylocoques à coagulase négative qui colonisent souvent les surfaces intraluminales ou extraluminales des cathéters ou le site de sortie de ces dispositifs.5,6 D’autres voies d’entrée possibles pour l’infection associée aux cathéters intravasculaires sont le cathéter/le set de dérivation/la jonction Y pendant le changement de liquide intraveineux, ou un récipient de liquide contaminé. L’infection de la surface externe du cathéter, par exemple au niveau du site de sortie ou dans le tunnel, peut provoquer une grave infection des tissus mous et entraîner une bactériémie ou une septicémie associée au cathéter7,8. La colonisation intraluminale est souvent causée par des organismes relativement non virulents tels que les staphylocoques à coagulase négative, les corynébactéries, Bacillus spp, Pseudomonas spp et ainsi de suite, et une fois établies, ces infections peuvent être difficiles à gérer et ne peuvent pas être traitées sans le retrait du cathéter.9-12
Dans le canal alimentaire, les bactéries anaérobies prédominent dans le tractus gastro-intestinal inférieur et également dans la cavité orale. Ces bactéries jouent un rôle important dans le maintien d’une flore commensale saine en résistant à la colonisation par des bactéries exogènes, un processus connu sous le nom de résistance à la colonisation.13,14 La résistance à la colonisation peut être perturbée par une variété d’antibiotiques, dont beaucoup seraient utilisés dans le traitement d’un épisode fébrile pendant la phase de pré-greffe.15-La perte de la flore commensale normale permet à des organismes exogènes tels que Candida spp, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa de s’établir dans l’intestin.18 La perte de la barrière gastrique causée par les antiacides utilisés pour compenser la dyspepsie, combinée à la déglutition excessive de mucus qui se produit en présence d’une mucosite, est également importante pour perturber la résistance à la colonisation. Les sites potentiels de colonisation par une flore endogène et exogène altérée s’étendent donc sur toute la longueur du tube digestif.19-21 La diarrhée causée par les agents cytotoxiques, l’irradiation totale du corps et la maladie du greffon contre l’hôte (GvHD) modifie également l’écologie de la flore intestinale.22-24
La mucosite est la manifestation clinique d’une lésion de la barrière muqueuse et sa gravité varie considérablement.25 Elle entraîne une morbidité importante et altère considérablement la qualité de vie des patients.26,27 Les lésions de la barrière muqueuse dans la partie supérieure du tube digestif, comme la cavité buccale, prédisposent à l’infection par des streptocoques viridans oraux, tandis que les infections causées par des organismes à Gram négatif et l’entérocolite neutropénique sont des manifestations des lésions de la muqueuse dans la partie inférieure du tube digestif. Le tube digestif a été reconnu comme étant le principal site d’origine des infections dues à des organismes entériques tels que Escherichia coli et Klebsiella pneumoniae28,29. En outre, l’entérocolite neutropénique ou la typhilite, une forme grave de lésions de la muqueuse intestinale causée par un traitement cytotoxique, peut être une porte d’entrée pour des organismes tels que Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa et les espèces de Clostridia.30,31 Enfin, la colonisation par Candida dans ce contexte est associée à des lésions locales de la muqueuse qui constituent un facteur de risque distinct pour la candidose invasive.32-34