Le sexe est censé être simple – du moins au niveau moléculaire. Les explications biologiques qui apparaissent dans les manuels scolaires se résument à X + X = ♀ et X + Y = ♂. Vénus ou Mars, rose ou bleu. Cependant, à mesure que la science y regarde de plus près, il devient de plus en plus clair qu’une paire de chromosomes ne suffit pas toujours à distinguer fille/garçon – que ce soit du point de vue du sexe (traits biologiques) ou du genre (identité sociale).
Dans le domaine culturel, ce changement de perspective a déjà reçu un large écho. Les définitions » non binaires » du genre -transféminin, genderqueer, hijra- sont entrées dans le langage courant. Les changements qui s’opèrent dans les sciences biologiques sont peut-être moins visibles. L’image émergente qui dénote la « féminité » ou la « masculinité » révèle l’implication de réseaux génétiques complexes – et l’ensemble du processus semble s’étendre bien au-delà d’un moment spécifique, six semaines après la gestation, lorsque les gonades commencent à se former.
À des degrés divers, beaucoup d’entre nous sont des hybrides biologiques sur un continuum masculin-féminin. Des chercheurs ont trouvé des cellules XY chez une femme de 94 ans, et des chirurgiens ont découvert un utérus chez un homme de 70 ans, père de quatre enfants. De nouvelles preuves suggèrent que le cerveau est constitué d’une « mosaïque » de types de cellules, certaines plus yin, d’autres plus loin sur l’échelle du yang.
Ces découvertes ont des implications de grande portée qui vont au-delà de la simple mise à jour des manuels de biologie. Elles ont une incidence particulière sur les questions d’identité personnelle, de santé et de bien-être économique des femmes. En effet, les arguments concernant les différences biologiques innées entre les sexes ont persisté bien après le moment où ils auraient dû être enterrés.
En 1895, un article du Scientific American – « Woman and the Wheel »- soulevait la question de savoir si les femmes devraient être autorisées à faire du vélo pour leur santé physique. Après tout, concluait l’article, l’effort musculaire requis est bien différent de celui nécessaire pour faire fonctionner une machine à coudre. Just Championnière, éminent chirurgien français auteur de l’article, répondait par l’affirmative à la question posée mais s’empressait d’ajouter : « Même lorsqu’elle est parfaitement à l’aise sur la roue, elle doit se rappeler que son sexe n’est pas destiné par la nature à des efforts musculaires violents….. Et même lorsqu’une femme s’est prudemment préparée et s’est entraînée pour le travail, sa vitesse ne devrait jamais être celle d’un homme adulte en pleine vigueur musculaire. »
Bien sûr, les attitudes du XIXe siècle pourraient être rejetées d’emblée pour leur pittoresque drolatique. Pourtant, comme le montre l’examen approfondi annuel actuel de Scientific American sur un sujet d’intérêt urgent, des notions ancrées d’infériorité des femmes persistent bien au XXIe siècle. Ce penchant se vérifie même dans les sciences, où certains domaines mettent l’accent sur la brillance intellectuelle – associée par erreur aux hommes blancs – comme condition préalable au succès, une attitude qui éloigne les perspectives féminines en physique et en mathématiques.
Depuis que Championnière a écrit pour Scientific American, le statut des femmes s’est indéniablement amélioré. Globalement, dans les pays riches et pauvres, les femmes ont fait des progrès en matière d’éducation et de santé reproductive et assument davantage de rôles décisionnels. Mais ce n’est pas suffisant. Il subsiste des barrières économiques qui empêchent les femmes d’accéder aux capitaux et aux emplois et de recevoir un salaire décent pour les emplois qu’elles trouvent. Il faut également consacrer plus d’énergie à la recherche sur la façon dont les maladies affectent différemment les deux sexes et à l’adaptation des traitements médicaux aux besoins des femmes. Pour qu’un monde interconnecté prospère, les femmes doivent être davantage habilitées à tenir leur moitié du ciel – une question qui devrait exiger autant d’attention que le changement climatique et le contrôle des armes nucléaires.
Le changement ne se poursuivra que si les institutions qui comptent y restent ouvertes. L’assaut contre la santé des femmes par les législateurs républicains à Washington se profile comme un obstacle formidable. Le bien-être des femmes doit être considéré comme une question qui concerne tout le monde, quelle que soit l’affiliation politique. La nouvelle science du sexe et du genre offre la perspective d’aider à façonner la perception du public et l’élaboration des politiques pour reconnaître cette réalité.
1. Hommes volages, femmes chastes et autres mythes sur le genre
par Cordelia Fine et Mark A. Elgar
2. Existe-t-il un cerveau « féminin » ?
par Lydia Denworth
3. Quand le sexe et le genre entrent en collision
par Kristina R. Olson
4. Au-delà de XX et XY
par Amanda Montañez
5. Not Just for Men
by Marcia L. Stefanick
6. Life before Roe
by Rachel Benson Gold and Megan K. Donovan
7. The Brilliance Trap
by Andrei Cimpian and Sarah-Jane Leslie
8. Girl Code
by Reshma Saujani
9. Le blogueur et les trolls
par Emily Temple-Wood
10. Le travail des femmes
par Ana L. Revenga et Ana Maria Munoz Boudet
11. Mind the Gap
par Amanda Montañez
12. Le retour des filles disparues
par Monica Das Gupta
13. La femme qui a sauvé la planète
Jen Schwartz
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