La révolution de 1848.
En 1847, le comté de Pest élit Kossuth pour le représenter à la prochaine Diète, dans laquelle il prend la tête de « l’opposition nationale », qui s’était mise d’accord sur un vaste programme de réformes politiques et sociales. Les réformateurs réalisent quelques progrès dans des domaines subsidiaires, mais ils sont dans l’impasse sur la question centrale du contrôle politique lorsque la nouvelle de la révolution à Paris (février 1848) offre à Kossuth une opportunité. Le 3 mars, dans un discours d’une puissance extraordinaire – sa langue était aussi magique que sa plume – il exigea la suppression de la main morte de l’absolutisme viennois comme seul moyen de sauvegarder les libertés de la Hongrie et de tous les peuples de la monarchie. Il a pratiquement dicté à la Diète une adresse à la couronne, incarnant le programme des réformateurs. Lorsque la nouvelle de la révolution à Vienne parvient à la Diète le 14 mars, Kossuth étoffe l’adresse et, en tant que membre de la députation qui la porte à Vienne le lendemain, la voit acceptée par la cour paniquée.
Le comte Lajos Batthyány, nouveau premier ministre hongrois, attribue à Kossuth le portefeuille des finances dans son gouvernement, un choix qui s’avère dangereux, car le contrôle ultime des finances s’avère, avec celui des services de défense, précisément la principale pomme de discorde entre la Hongrie et Vienne. Kossuth se retrouve bientôt en conflit avec le nouveau ministère des Finances de Vienne, alors qu’il s’était fait l’âme du mouvement nationaliste le plus extrême en Hongrie, souvent au grand dam de ses collègues ministres, qui s’efforçaient d’éviter une rupture avec Vienne. Kossuth agissait souvent sans les consulter ou même au mépris des décisions convenues, faisant appel par-dessus leurs têtes au public dans un journal édité et principalement rédigé par lui-même. Pourtant, ils n’osaient pas le renvoyer et ne pouvaient même pas se passer de ses services, car sa popularité nationale était leur plus grand atout.
C’est Kossuth qui, pour autant qu’un Hongrois l’ait fait, a précipité le choc final en persuadant la Diète, en juillet, de lier l’envoi de troupes hongroises en Italie à des conditions politiques évidemment inacceptables pour Vienne, tout en demandant une grande force nationale pour défendre la Hongrie contre le danger qu’il déclarait, non sans raison, être menacé par les Croates et les Serbes. Lorsque, en septembre, l’armée croate d’inspiration autrichienne envahit la Hongrie et que Batthyány démissionne, Kossuth prend la tête du comité de défense nationale désigné par la Diète comme autorité provisoire. Il est désormais le dictateur virtuel de la Hongrie. Les mois suivants font ressortir toute sa grandeur et ses faiblesses : son magnétisme et son courage, son intolérance et son manque de réalisme, sa provocation gratuite de difficultés insurmontables et son génie pour les surmonter. Personne d’autre que Kossuth n’aurait pu donner à son peuple le courage d’affronter les chances écrasantes qui s’offraient à lui, mais il a augmenté ces chances par son intransigeance et a aggravé les difficultés par sa jalousie et sa suspicion envers son meilleur général, Artúr Görgey, et par son ingérence dans les affaires militaires. Le refus de la Diète de reconnaître l’abdication de l’empereur autrichien Ferdinand Ier (2 décembre) est son œuvre, de même que la déclaration de la Diète du 14 avril 1849, proclamant le détrônement de « la Maison parjure de Habsbourg-Lorraine. » La Diète élit ensuite Kossuth lui-même « gouverneur » de Hongrie, mais lorsque, après l’arrivée des armées russes, même lui dut reconnaître le caractère désespéré de la situation, il résigna ce poste à Görgey (11 août) et se réfugia en Turquie.