Cher éditeur,
Un homme de 43 ans, droitier, s’est présenté avec une histoire de trois jours de céphalées sévères,holocrâniennes. Trois semaines auparavant, il avait connu une autre série de céphalées sévères et pulsatiles accompagnées de fièvre, de malaise et de paresthésie des deuxième et troisième doigts de la main gauche. L’examen neurologique a révélé une apraxie de la main gauche et une apraxie de la construction de la main droite, sans déficit sensorimoteur ou cérébelleux, compatible avec le syndrome de déconnexion callositaire.
La tomographie informatisée sans contraste et l’imagerie par résonance magnétique ont montré un hématome au niveau du splénium du corps calleux (figure 1).
Aucun sang sous-arachnoïdien n’a été visualisé. L’angiographie cérébrale a révélé des signes de rupture récente de l’anévrisme à la jonction des segments A1 et A2 de l’artère cérébrale antérieure (ACA) droite et un vasospasme de l’ACA distale droite (Figure 2A). La décision a été prise d’emboliser l’anévrisme avec des bobines détachables (Figure 2B). À la fin de l’intervention, l’embolisation du sac anévrismal était complète, sans perturbation de l’intégrité des artères intracrâniennes ni défaut du parenchyme cérébral. Le reste du séjour à l’hôpital s’est déroulé sans incident et le patient est sorti le 11e jour après l’admission avec une prescription pour un traitement progressif de 6 jours de nimodipine,
Tomographie informatisée sans contraste (A) et imagerie par résonance magnétique à récupération d’inversion atténuée par fluide, pondérée en T2 (B), montrant une masse importante et hétérogène dans le splénium du corps calleux, correspondant à une collection focale de sang intraparenchymateux. Aucun signe d’hémorragie sous-arachnoïdienne n’est apparent.
A : Angiographie par soustraction numérique des vaisseaux cérébraux, démontrant un anévrisme (flèche noire) à la jonction des segments A1 et A2 de l’ACA droite. L’anévrisme est d’aspect irrégulier, avec un sac d’arupture et un test de Murphy suggérant une rupture récente. Le segment A2 droit est caractérisé par un calibre irrégulier et un aspect perlé (flèches ouvertes), compatible avec un vasospasme artériel. B : Embolisation complète du sac anévrismal après le coiling.
Les rapports d’hémorragie intraparenchymateuse à distance comme découverte de la rupture d’anévrisme sont rares(1). Par exemple, dans un groupe de 460 patients présentant une hémorragie sous-arachnoïdienne, Abbed et al.(2) ont rapporté 116 cas d’hématomes intraparenchymateux, dont aucun ne semblait être proximal au site de rupture de l’anévrisme. En fait, notre recherche dans la littérature n’a révélé que des cas isolés d’hémorragie focale à distance. En 2002, Friedman et al.(3) ont décrit une rupture d’anévrisme de l’artère communicante antérieure associée à un hématome frontotemporal apisylvien. Toujours en 2002, Lee et al.(4) ont décrit le cas d’un patient présentant une rupture d’anévrisme de l’AAC sacculaire qui a évolué vers une hémorragie du putamen gauche. En 2005, Paus et al.(5) ont rapporté un cas encore plus complexe de rupture d’anévrisme de l’artère communicante antérieure, avec une hémorragie sous-arachnoïdienne adjacente et un hématome focal dans le lobe temporal postérieur gauche qui était éloigné de l’anévrisme et de toute citerne sous-arachnoïdienne.
Le cas présenté ici est important car il établit un mécanisme de saignement à distance. Dans des rapports antérieurs, diverses explications de l’hémorragie à distance ont été proposées, notamment une crise hypertensive, la formation de jets à travers les citernes sous-arachnoïdiennes, un infarctus veineux, une thrombose intraluminale, un infarctus hémorragique secondaire à un vasospasme et une anomalie vasculaire occulte. Cependant, aucun de ces rapports n’a fourni de preuves directes pour soutenir l’un des mécanismes proposés. En revanche, dans notre cas, nous avons observé des preuves angiographiques définitives de vasospasme dans les vaisseaux situés entre l’anévrisme et le site de l’hémorragie. Cela constitue une forte indication que l’infarctus hémorragique associé au vasospasme est un mécanisme de formation d’hématomes à distance suite à une rupture d’anévrisme cérébral.
En conclusion, nous avons décrit un cas de rupture d’anévrisme de l’ACA se présentant comme une hémorragie intraparenchymateuse à distance dans le splénium du corps calleux et nous avons démontré que l’infarctus hémorragique induit par le vasospasme est un mécanisme plausible de saignement à distance. Les neuroradiologues et les neurochirurgiens doivent être conscients de ce phénomène rare afin de réduire la probabilité d’un traitement inapproprié.