Une importante modification post-traductionnelle des histones est l’acétylation des groupes ɛ-amino sur les résidus lysine conservés présents dans les queues amino-terminales de ces protéines. L’acétylation neutralise les lysines chargées positivement et affecte donc les interactions des histones avec d’autres protéines et/ou avec l’ADN. L’acétylation des histones est depuis longtemps associée à la chromatine active sur le plan transcriptionnel et est également impliquée dans le dépôt des histones pendant la réplication de l’ADN (1, 2). Le premier clonage d’un gène d’histone acétyltransférase (HAT), le gène HAT1 de la levure, a été signalé en 1995 (3). Par la suite, il a été suggéré que la protéine HAT1 était cytoplasmique et impliquée dans le dépôt d’histones (4), bien que l’absence de phénotypes des mutants hat1 de levure, ainsi que les preuves récentes que les enzymes humaines et de levure sont nucléaires (réf. 5 ; S. Tafrov et R.S.,
Une avancée majeure dans ce domaine a été la purification et le clonage de la HAT A, une HAT provenant du macronoyau du cilié Tetrahymena (6). La séquence de la HAT A a montré qu’elle était similaire à un coactivateur transcriptionnel connu de la levure, GCN5. Depuis, de nombreuses études ont démontré que GCN5 (et le P/CAF apparenté) sont des HATs conservés dont l’activité sur les nucléosomes facilite l’initiation de la transcription (revue dans la réf. 7). Il est intéressant de noter que GCN5 peut, par lui-même, acétyler les histones libres (en particulier la Lys-14 de H3) mais pas les nucléosomes. L’acétylation des nucléosomes par GCN5 nécessite qu’il se trouve dans l’un des deux grands complexes protéiques appelés Ada et SAGA chez la levure (8). Au cours des dernières années, il a été démontré que plusieurs protéines de mammifères, non liées à GCN5 mais également impliquées dans l’activation transcriptionnelle, avaient une activité HAT. Il s’agit notamment de CBP/p300, TAF250, ACTR et SRC-1 (9-12). Ainsi, il devient clair que l’acétylation des histones des nucléosomes est une composante importante du processus d’activation génique en plusieurs étapes.
Dans ce numéro des Comptes rendus, Trievel et al. (13) rapportent la structure cristalline du domaine HAT catalytique de la levure GCN5. Ce domaine englobe les résidus 99-262 de la protéine de 439 aa. Une partie de leur structure, constituée de quatre brins β antiparallèles (β1-4), suivis d’une hélice α (α3) et d’un autre brin β (β5), est représentée sur la figure 1.1. Cette partie de GCN5 a une structure très similaire à celle de la HAT1 de la levure (14), ainsi qu’à deux autres N-acétyltransférases dont les substrats ne sont pas des histones, à savoir l’aminoglycoside 3-N-acétyltransférase (AAT ; réf. 15) et la sérotonine N-acétyltransférase (16). Toutes ces enzymes sont membres d’une famille de protéines identifiées par l’analyse des séquences comme présentant des similitudes avec des N-acétyltransférases connues telles que GCN5, et donc appelées la superfamille GNAT (17). Les membres de cette superfamille ont pour caractéristique commune de transférer un groupe acétyle de l’acétyl CoA à un groupe amino primaire, bien que des groupes amino très différents pour les différentes enzymes ; c’est-à-dire, sur des groupes ɛ-amino sur des lysines dans le cas des HAT, sur des groupes α-amino sur les terminaisons N des protéines dans le cas d’enzymes telles que ARD1 ou MAK3, sur des sucres dans le cas de l’AAT (15) et de GNA1 (18, 19), ou sur la sérotonine pour la sérotonine N-acétyltransférase (16). Tous les membres de la superfamille GNAT possèdent un motif conservé appelé motif A (représenté en rouge sur la figure 1),1), et la plupart d’entre eux possèdent deux autres motifs conservés appelés B et D.
Diagramme en ruban de GCN5 montrant le noyau conservé que l’on retrouve dans quatre N-acétyltransférases et dans une N-myristoyltransférase. Le motif A de la superfamille GNAT est indiqué en rouge. L’acétyl CoA tel qu’il est présent dans la HAT1 est modélisé dans la structure de la GNAT5. Le soufre dans l’acétyl CoA est représenté en jaune.
Il a été prédit que les motifs conservés dans la superfamille GNAT seraient impliqués dans la liaison de l’acétyl CoA car c’est le seul substrat que ces diverses N-acétyltransférases ont en commun (17). En effet, la structure de la HAT1 avec de l’acétyl CoA lié a confirmé que le motif A est impliqué dans la liaison du CoA (14), tout comme les travaux structuraux avec l’aminoglycoside 3-N-acétyltransférase (15) et la sérotonine N-acétyltransférase (20). Dans la figure 11, l’acétyl CoA a été modélisé dans la structure de GCN5, sur la base de sa position dans HAT1 (13, 14). L’acétyl CoA est lié dans une fente en forme de V, formée entre les β-strands 4 et 5. Le motif A hautement conservé de la famille GNAT se lie à la partie pyrophosphate de l’acétyl CoA. Les unités pantothénate et β-mercaptoéthanolamine du CoA sont orientées le long de la β4 et s’y lient par hydrogène, mimant ainsi un brin β.
Trievel et al. (13) proposent un mécanisme de catalyse par GCN5. Ils suggèrent qu’un résidu glutamate (Glu-173) est positionné de manière à abstraire un proton d’un groupe NH3+ sur la lysine à acétyler, de telle sorte que le groupe amino non chargé puisse ensuite réaliser une attaque nucléophile sur le carbone carbonyle du groupe thioester réactif de l’acétyl CoA. La figure 22 montre une superposition des régions du site actif putatif de GCN5 (en jaune) et de HAT1 (en rouge) avec de l’acétyl CoA lié. Encore une fois, remarquez à quel point les deux protéines sont structurellement similaires dans cette région. Selon la proposition de Trievel et al., le Glu-173 de GCN5, surtout après réorientation de sa chaîne latérale, serait suffisamment proche de la lysine entrante pour effectuer une catalyse de base. En effet, la mutation de Glu-173 en Gln abolit l’activité in vivo et in vitro (13). Il n’y a pas de résidu Glu ou Asp à la position correspondante dans HAT1. Nous notons cependant que Glu-255 ou Asp-256 de HAT1 sur le brin β adjacent de la fente sont positionnés de telle sorte qu’ils pourraient remplir la même fonction catalytique (Fig. (Fig.2).2). Ces résidus n’ont pas encore été mutés.
Superposition de la β4-α3-β5 de GCN5 (jaune) et de la région correspondante de HAT1 (rouge). Les protéines sont représentées sous forme de traces Cα avec de l’acétyl CoA lié. Le Glu-173 de GCN5, qui serait impliqué dans la catalyse, est représenté en boule et en bâton, tout comme les résidus Glu-255 et Asp-256 de HAT1.
Il est clair, d’après les structures de GCN5, de HAT1 et de deux autres membres de la superfamille des GNAT, qu’elles partagent un noyau conservé, notamment le site de liaison de l’acétyl CoA (Fig. (Fig.1).1). Il est intéressant de noter que la N-myristoyl transférase a une structure similaire aux N-acétyltransférases discutées ci-dessus (21, 22), même si cette enzyme transfère un groupe acyle beaucoup plus important du myristoyl CoA aux groupes α-amino des glycines aux extrémités N des protéines substrats. En revanche, la chloramphénicol acétyltransférase, qui acétyle un groupe hydroxyle, n’a pas une structure similaire. Il semble que les enzymes GNAT qui acétylent les groupes amino sur un ensemble diversifié de substrats se lient toutes à l’acétyl CoA d’une manière très similaire, et partagent peut-être un mécanisme catalytique similaire. Bien entendu, ces enzymes diffèrent par les régions qui fixent le substrat à acétyler. En ce qui concerne les HAT, le prochain objectif sera de déterminer une structure avec un substrat histone ou peptide lié à l’enzyme.