La pandémie de COVID-19 fait des ravages en termes de vies humaines et de conséquences économiques mondiales. La distanciation sociale s’est avérée être la stratégie la plus prometteuse contre les virus émergents sans frontières, mais les lourds dommages économiques qui s’ensuivent remettent en question la possibilité de la poursuivre. En fait, la mise en balance de ces deux éléments soulève un débat important : quelle est la perte acceptable pour gagner cette bataille ?
Stratégiquement, la charge de considérer la perte acceptable incombe aux décideurs. Cela signifie le prix que la nation est prête à payer pour atteindre un équilibre entre la durée de la quarantaine, les pertes économiques, le niveau de conformité du public et la capacité de soins de santé. L’évaluation de la perte acceptable est un dilemme professionnel, financier, éthique, juridique, social, culturel et historique. Malgré cela, elle est inévitable pour choisir la stratégie de gestion de crise appropriée et, surtout, la condition pour y mettre fin.
Dans la perspective militaire, la perte acceptable fait référence à l’évaluation des décès et des dommages qui pourraient être causés par une action ou une opération spécifique. Les industries utilisent le risque acceptable pour définir le degré de risque pour les vies humaines et les dommages environnementaux qui est acceptable après avoir atténué les risques maximums.
Lors de la gestion d’une pandémie, de nombreuses questions doivent être posées pour déterminer les pertes et les risques acceptables :
- Perte de quoi : perte de vies, aspects économiques ou perte de contrôle ?
- Acceptable par qui : le public, les décideurs, les politiciens ?
- Contrairement à la perte acceptable, quel est le bénéfice ?
- Combien de perte est acceptable pour obtenir (un degré adéquat de) bénéfice ?
- Combien de décès de divers groupes (par ex, jeunes, en bonne santé, chômeurs, personnes âgées) de COVID-19 sont considérés comme » acceptables » ?
- Quel est le coût économique alternatif de 100, 150, etc. décès dus au coronavirus ? Ces coûts sont-ils acceptables ?
- Puisque cette pandémie expose les personnes âgées à un risque plus élevé, le coût d’une personne de 85 ans est-il inférieur à celui de la vie d’un enfant ?
- Comment peut-on mesurer le coût économique des vies de ceux qui ont développé des troubles mentaux, perdu leur emploi ou se sont suicidés ?
Sauver des vies dépend aussi de la signification du nombre de décès dus au COVID-19 par rapport à la signification des pertes économiques dommageables pour le système de santé. Il ne s’agit pas seulement d’examiner les chiffres – les décès et les dollars.
Similaire au triage effectué par le personnel médical dans les événements de causalité de masse, la perte acceptable devrait être proposée à un débat public. Discuter du prix de la vie est compliqué mais inévitable. Comme dans le cas du triage médical, il repose sur deux principes de base : la bienfaisance et la justice distributive. Et, comme dans le cas du triage, une voie doit être privilégiée par rapport à l’autre.
Enfin, il faut se souvenir d’un fait : Les personnes mortes ne travaillent pas.
Cet article est adapté d’un post LinkedIn publié le 4 avril 2020.
Le professeur Isaac Ashkenazi est un expert international de la gestion et du leadership en cas de catastrophe, de la résilience des communautés et des événements de masse avec une expérience professionnelle et universitaire étendue. Il est considéré comme l’un des plus grands experts mondiaux en matière de préparation médicale aux urgences complexes et aux catastrophes. Il est l’ancien directeur du Urban Terrorism Preparedness Project du NPLI de l’université de Harvard. Il est également professeur auxiliaire au département d’épidémiologie de l’université Emory, professeur auxiliaire de gestion des catastrophes à l’UGA, professeur de médecine des catastrophes à l’université Ben-Gurion en Israël, fondateur du NIRED Center au College of Law & Business, commandant de la Mobile Med One Foundation, membre du conseil consultatif de la sécurité intérieure israélienne, et consultant auprès de l’université Harvard, des Centers for Disease Control and Prevention, du U.Département américain de la santé et des services sociaux, le Département américain de la sécurité intérieure, FEMA, la Maison Blanche, la Banque mondiale, High Threat Institute US, Tactical Combat Casualty Care US, les Jeux olympiques de Rio, le ministère brésilien de la Défense, la NDMA indienne, SAMUR – Protección Civil, le ministère chinois de la Santé et d’autres agences nationales et internationales. Il a été le chirurgien général du commandement du front intérieur de Tsahal.
Carmit Rapaport (doctorat, le Technion-Israel Institute of Technology, 2011) est la coordinatrice académique des programmes de maîtrise en gestion des catastrophes et en études sur les incendies au département de géographie et d’études environnementales de l’Université de Haïfa, en Israël. Elle est également directrice de l’Institut pour la réglementation des urgences et des catastrophes au Collège de droit et d’affaires en Israël. Récemment, elle a été nommée conseillère académique et chef de l’unité d’évaluation du Centre national israélien pour la résilience. Ses domaines d’intérêt sont le comportement de la population en cas d’urgence et de catastrophe, la gestion de crise, le comportement adaptatif et la continuité des activités. Elle a reçu des subventions de recherche du ministère des sciences et de la technologie, du ministère du tourisme et du ministère de la défense, entre autres. Elle a participé en tant que chercheur principal au projet BEMOSA du 7e PC de l’UE.