Succession d’Espagne, guerre de (1701-1714). La succession au vaste empire espagnol était une question vive depuis les années 1660, lorsque la rumeur s’est répandue que le seul fils survivant de Philippe IV (gouverné de 1605 à 1665), couronné Charles II en 1665, avait peu de chances de survivre à l’enfance.
TRAITÉ DE PARTITION OU INTÉGRATION ?
L’hypothèse selon laquelle le nouveau règne serait court a motivé le premier traité de partage entre le chef de la branche autrichienne des Habsbourg, Léopold Ier (régnant de 1658 à 1705), et Louis XIV (régnant de 1643 à 1715) de France en janvier 1668. Ce traité est resté lettre morte puisque Charles II, bien que n’ayant pas d’héritier, a survécu aux trois décennies suivantes et ne s’est finalement affaibli que dans les années 1690. Pendant ce temps, la question de la succession espagnole n’était pas devenue moins litigieuse. Après la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), Louis estimait que la France ne pouvait se permettre un autre conflit majeur. Mais ce nouveau réalisme concernant les ressources militaires était contrebalancé par des considérations d’honneur dynastique et de sécurité future de la France ; Louis ne pouvait accepter que l’ensemble de l’héritage espagnol passe aux Habsbourg autrichiens. Or, c’est précisément ce que Léopold Ier souhaite désormais et, grâce à ses conquêtes en Hongrie sous contrôle ottoman et à sa direction réussie d’une importante coalition de princes allemands lors de la récente guerre, il n’est pas prêt à discuter du partage. Louis trouve néanmoins un allié apparent en la personne de son ancien ennemi juré, Guillaume III (1689-1702), roi d’Angleterre et dirigeant de facto de la République néerlandaise. Guillaume est également soucieux d’éviter une autre guerre coûteuse et ne souhaite pas établir la même branche de la famille Habsbourg en Europe occidentale et centrale. Les négociations bilatérales menées au cours de l’été et de l’automne 1698 proposent d’exclure les dynasties des Habsbourg et des Bourbons de la succession complète, en désignant à la place Joseph Ferdinand, jeune fils de l’électeur de Bavière, comme héritier de la majeure partie de l’héritage de Charles II. En compensation, il est proposé que le fils de Louis reçoive les royaumes de Naples et de Sicile, et que Milan revienne au second fils de Léopold, l’archiduc Charles. La mort soudaine de Joseph Ferdinand en 1699 annule le plan, et les diplomates de Louis XIV proposent maintenant que la France, la Grande-Bretagne et la République néerlandaise parrainent un simple partage : La France recevrait toute l’Italie espagnole mais laisserait le reste de l’empire passer au fils de Léopold Ier, l’archiduc Charles. Malgré l’apparente générosité de l’offre, les Autrichiens réalisent que sans le pivot de Milan, les deux dominions des Habsbourg ne pourront jamais fonctionner ensemble, et que la sécurité d’une grande partie de l’héritage espagnol sera mise en péril. Néanmoins, Louis et Guillaume signèrent ce nouveau traité de partage en mars 1700, espérant que Léopold suivrait. Léopold avait toujours refusé de signer le 1er novembre lorsque Charles II mourut enfin. Contre toute attente – bien que des rumeurs aient circulé à la cour d’Espagne depuis le mois précédent – le testament final de Charles II ne désigne pas l’archiduc Charles comme son héritier universel de prédilection. Donnant la priorité au maintien de l’intégrité territoriale de l’empire, les conseillers de Charles II l’avaient persuadé de faire passer l’intégralité de l’héritage à Philippe d’Anjou (1683-1746), le deuxième petit-fils de Louis.
Les historiens ont longtemps débattu de la décision de Louis d’accepter le testament au nom de son petit-fils, mais il est difficile de voir qu’il aurait pu faire autrement. Léopold avait refusé de ratifier le traité de partage ; si Louis rejetait l’offre espagnole, le testament de Charles II offrait alors la totalité de l’héritage à l’archiduc Charles. Louis pouvait faire appel au soutien militaire des Anglais et des Hollandais pour faire valoir ses droits en vertu du traité de partage, mais il y avait peu de chances que l’un ou l’autre agisse pour défendre les droits dynastiques français. La France devrait se battre contre les puissances combinées des Habsbourg pour tenter d’arracher l’Italie à leur emprise. En revanche, en acceptant la volonté de Charles, Louis s’assurait que l’Espagne et ses territoires seraient ses alliés dans toute confrontation avec les Habsbourg autrichiens.
La véritable erreur de Louis réside dans son incapacité à voir que consolider la position de son petit-fils sans provoquer de guerre européenne exigeait des qualités de retenue et d’empathie dans les relations avec les autres États. Léopold ne tarda pas à déclarer la guerre, mais tant que les puissances maritimes hésitaient à intervenir, tout conflit pouvait être contenu par la France. Cependant, une succession de mesures préventives et de provocations transforma une situation ambiguë en une situation dans laquelle la France était à nouveau confrontée à une alliance hostile de grandes puissances. En déplaçant les troupes françaises dans les Pays-Bas espagnols et en occupant les « forteresses barrières » garnies par les troupes néerlandaises depuis 1697, Louis met à mal le principal avantage néerlandais du traité de Ryswick (1697). L’octroi aux marchands français d’avantages commerciaux exclusifs dans le Nouveau Monde espagnol suscite l’hostilité des Hollandais et des Anglais, tandis que le refus de Louis de répudier explicitement la position de Philippe dans l’ordre de succession français provoque une consternation générale. Au moment où Louis reconnaît officiellement le fils de Jacques II comme Jacques III d’Angleterre et d’Écosse, le processus d’aliénation avait déjà conduit au renouvellement de l’alliance militaire entre l’empereur autrichien, les Anglais et les Hollandais (septembre 1701), et il n’y avait pas de retour en arrière.
LE COURANT DE LA GUERRE
Louis était initialement optimiste, estimant que la situation de la France était meilleure que lors du conflit précédent : La France se battrait aux côtés de l’Espagne et de l’empire espagnol, dont les sujets avaient acclamé le petit-fils de Louis sous le nom de Philippe V et accepté le soutien de la France pour préserver l’intégrité des royaumes ; le Portugal, la Savoie et la Bavière étaient initialement aussi des alliés de Louis XIV. Mais la défaite de la coalition dépendait d’un succès militaire rapide de la France et, en dépit de quelques succès remarquables au cours des deux premières années de la guerre, ce succès s’est avéré insaisissable. En 1703, l’occasion de lancer une campagne franco-bavaroise contre les terres autrichiennes est perdue. Pendant ce temps, le succès naval anglais dans la baie de Vigo (1702) contribue à persuader le Portugal d’abandonner l’alliance française, tandis que Victor Amadeus II de Savoie (1666-1732) voit dans les opérations en Italie du Nord du général impérial, le prince Eugène (1663-1736) de Savoie, une occasion de se soustraire à son propre engagement envers la France. Le revirement critique se produit en août 1704, lorsque les armées alliées du duc de Marlborough et d’Eugène anéantissent les forces franco-bavaroises à Blenheim et éliminent toute perspective de mettre les Autrichiens hors de la guerre. Les quatre années de conflit qui suivirent virent quelques initiatives françaises couronnées de succès et une certaine capacité à regagner le terrain perdu après les coups de marteau des victoires alliées à Ramillies (1706), Turin (1706) et Audenarde (1708), mais la balance avait penché en faveur des stratégies affirmées et bataillantes de Marlborough et Eugène. La situation en Espagne semblait encore pire, car les forces alliées agissant au nom de l’archiduc Charles, désormais proclamé Charles III d’Espagne, avaient en 1706 occupé Madrid, Barcelone et d’autres grandes villes.
La situation se stabilisa dans une certaine mesure lorsque les forces françaises imposèrent aux alliés d’énormes pertes pour prix de leur victoire à Malplaquet (1709) ; les affaires militaires s’amélioraient en Espagne depuis 1707, surtout parce que la population restait farouchement fidèle à Philippe V. Mais l’apparent renouveau fut contrebalancé par une crise intérieure en France, où une récolte misérable suivie de l’hiver rigoureux de 1708-1709 entraîna une mortalité catastrophique, une famine massive et une défaillance fiscale. Comme dans les années 1690, la France n’avait pas les ressources nécessaires pour poursuivre la guerre ; face à un effondrement à l’intérieur qui n’était pas contrebalancé par un succès écrasant sur le terrain, les diplomates de Louis commencèrent à négocier un règlement aux conditions des alliés.
Négociations de paix et rétablissement français
Les demandes des alliés au printemps 1710 étaient aussi dures que les pires attentes de la France : Philippe V serait éjecté du trône d’Espagne ; la France renoncerait à la plupart de ses gains territoriaux depuis 1648. Pourtant, Louis voulait désespérément sortir la France d’une guerre qui menaçait d’invasion et de désintégration à l’intérieur du pays. Seule l’imputation à la France d’agir seule pour écarter son petit-fils du territoire espagnol conduit finalement Louis à rompre les négociations. Les alliés continuèrent à prendre des forteresses et à ouvrir des brèches dans les frontières françaises en 1710, et réussirent une fois de plus à expulser brièvement Philippe de Madrid. Mais sous ce succès, la coalition alliée se fissure ; les Anglais, et dans une certaine mesure les Hollandais, reconnaissent qu’ils peuvent désormais obtenir tout ce qu’ils demandent en termes de sécurité et d’avantages économiques, tandis que l’humiliation militaire française rend la France moins disposée à sanctionner une Europe dominée par les Habsbourg.La chute du gouvernement Whig en Grande-Bretagne signale la fin de l’ascendant politique et militaire de Marlborough. Peu de temps après, la mort soudaine de Joseph Ier (régné de 1705 à 1711), souverain des Habsbourg et empereur du Saint Empire romain germanique depuis la mort de son père Léopold en 1705, laissa l’archiduc Charles en 1711 comme successeur de son frère aîné en Europe centrale et prétendant allié à l’héritage espagnol. En 1711, les Anglais se retirent effectivement de l’effort de guerre et concluent une paix bilatérale avec la France. Cet apaisement de la guerre fut brusquement interrompu par la mort soudaine de trois des héritiers directs de Louis XIV au cours de l’hiver 1711-1712, laissant la succession française au jeune duc d’Anjou âgé de deux ans et, après Anjou, à Philippe V. Mais la question dangereuse de la séparation des couronnes des Bourbons fut finalement résolue par une nouvelle renonciation explicite au trône de France par Philippe. Les forces anglaises se retirent à nouveau du conflit et, en juillet 1712, une victoire française à Denain permet de reprendre des forteresses frontalières cruciales, bloquant ainsi toute nouvelle incursion alliée en France. Le principal accord entre la France et les puissances maritimes est conclu à Utrecht au cours des premiers mois de 1713. La France s’en tire à bon compte, la paix étant achetée par des concessions espagnoles en Europe et aux Amériques. La Grande-Bretagne, en particulier, tire d’importants avantages coloniaux et commerciaux de l’empire transatlantique espagnol. L’archiduc Charles, devenu l’empereur Charles VI, résiste jusqu’à la fin de l’année 1713, mais les succès français dans l’empire le persuadent de s’installer à Rastatt en novembre, obtenant Milan, Naples et les Pays-Bas espagnols en échange de l’acceptation de Philippe V et de la succession des Bourbons en Espagne. Les règlements sont finalement ratifiés en 1714.
Voir aussi Dynastie des Bourbons (France) ; Dynastie des Bourbons (Espagne) ; Charles II (Espagne) ; Dynastie des Habsbourg ; Ligue d’Augsbourg, guerre des (1688-1697) ; Léopold Ier (Saint-Empire romain germanique) ; Louis XIV (France) ; Philippe IV (Espagne) ; Philippe V (Espagne) ; Espagne ; Utrecht, paix d’ (1713) ; Guillaume et Marie .
BIBLIOGRAPHIE
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David Parrott